15.11.07

Liberation (reprise d'article)

ca fait toujours plaisir quand on parle de mon cher pays d'acceuil dans mon cher pays d'origine.
et en plus quand c'est pour dire des choses helas bien vraies.

precisions quand meme :
- feyman est un terme Nigerian pas vraiment utilisé au Kamer.
- A kumba c'etait une manif de lyceen contre les coupures de courant a repettition du (d'apres la Sonel) a des tripatouillages du reseau interne du lycee

Le Cameroun asphyxié après un quart de siècle sous le régime de Paul Biya
De notre correspondante à Douala FANNY PIGEAUD
Liberation mercredi 14 novembre 2007


Nombre de Camerounais n’ont connu que lui : le 6 novembre, le président Paul Biya, 74 ans, a fêté son quart de siècle à la tête du pays. A son arrivée au pouvoir, en 1982, ce pays d’Afrique centrale comptait parmi les plus riches du continent. Aujourd’hui, il ne ressemble plus à rien. A tel point que beaucoup de ses 16 millions de citoyens n’aspirent qu’à le quitter. «Il existe peu d’Etats africains comme le Cameroun, où les habitants ont une aussi mauvaise image de leur pays et d’eux-mêmes», constate le politologue Fred Eboko.

Le pays a pourtant un gros potentiel économique. Pourvu d’un accès à la mer, doté d’importants gisements miniers et de terres agricoles fertiles, le Cameroun est la porte d’entrée du golfe de Guinée, une région pétrolifère riche devenue stratégique pour les Occidentaux et la Chine. D’ici à 2015, les Etats-Unis comptent ainsi importer 25 % de leur pétrole depuis cette région.

Détournement. S’il ne figure pas parmi les plus importants producteurs d’or noir de la zone, le Cameroun a l’avantage d’être le pays le plus stable d’Afrique centrale. Mais cette «stabilité» masque un encéphalogramme plat sur le plan économique comme politique. La chute mondiale du cours des matières premières dans les années 80 explique le début de cette dégringolade. Surtout, le laxisme de gestion depuis l’arrivée de Biya au pouvoir et le détournement de l’argent de l’Etat ont atteint des niveaux records. Le pays est l’un des plus corrompus au monde, selon l’ONG Transparency International. Tous les secteurs sont touchés : la santé, l’éducation, la justice, la police. Sous la pression des bailleurs de fonds, une opération mains propres a été lancée en 2006 mais n’a pas donné grand-chose.
Loin de se développer, le pays régresse. Selon un réseau d’ONG, une société a empoché en 2004 547 000 euros de l’Etat pour construire 4 salles de classes, sans jamais les réaliser. La somme aurait pu permettre d’en bâtir 43. Mais cela n’émeut plus personne : l’élite dirigeante est indifférente à tout ce qui ne menace pas son pouvoir, qu’elle doit exclusivement au président Paul Biya. Omnipotent bien que quasi invisible, celui-ci fait et défait les carrières. Les opposants sont «atomisés, manipulés, achetés», dit un diplomate européen.


«La trajectoire que suit ce pays depuis 1982 n’est guère favorable à l’éclosion de l’esprit. Je ne voulais pas être condamné à une vie spirituellement misérable et corrompue. La plupart des intellectuels qui aspiraient à mener une certaine vie éthique sont partis. Moi aussi», expliquait déjà en 2003 le célèbre historien Achille Mbembe. «Depuis qu’il est en place, ce pouvoir s’est officiellement ému et a mis en scène de manière spontanée sa douleur et sa volonté de promouvoir le sentiment national une seule fois : pour la mort d’un footballeur (1), relève Fred Eboko. Cela en dit long sur la faillite idéologique du régime.»
Les feymen, ces individus qui se sont enrichis en escroquant les autres, riches ou non, sont devenus des modèles pour une partie de la jeunesse. La criminalité augmente, les braquages à main armée, souvent réalisés avec la complicité des forces de l’ordre, sont devenus courants. En 1991, une grève générale avait paralysé pendant plusieurs mois le pays. Mais Biya a vite repris la main. Depuis, la population est désabusée, malgré quelques accès de fièvre comme lundi à Kumba, dans l’ouest du pays, où deux étudiants ont été tués par la police lors d’une manifestation.
«Exploser». Beaucoup de Camerounais considèrent que la France, soutien depuis toujours de Biya, est en partie responsable de leur misère. D’autres ne voient qu’une guerre civile comme issue. «Les choses peuvent exploser, mais aussi pourrir sur pied», confie le philosophe Fabien Eboussi Boulaga. Lors de la prochaine élection présidentielle, en 2011, Biya, qui a entamé il y a trois ans son dernier mandat, ne pourra pas se représenter. A moins, comme le souhaitent certains membres du parti au pouvoir, que la Constitution ne soit modifiée.
(1) Marc-Vivien Foé, décédé d’une crise cardiaque lors d’un match de l’équipe nationale à Lyon en 2003.