6.9.11

De l'autre côté du mur (par procuration)

Asmara' Market

Who's that girl?

Merowe: Black pharaons

Sana'a: Babel Yemen

Woman at the Gamoo celebration

Soumbedioun fishermen
Jeudi après midi, on m'invite à une séance de khat, un rituel à Djibouti.

Chaque après-midi, les Djiboutiens se réunissent dans une salle aménagée de tapis, de matelas et de coussins. Une grande télé
préside généralement l'assemblée.

Avant cette cérémonie quotidienne, on me parfume, on m'habille dans
la tenue traditionnelle : aujourd'hui je suis leur invité.
A 14h00, nous partons, il s'agit de ne pas être en retard. Si il y a
bien une activité à Djibouti où il faut arriver à l'heure, celle bien
celle du Khat.

Je rentre dans la madraze, m'assois sur les matelas; j'observe. On me
tend une branche, je découpe les feuilles. Ça papote entre hommes et
en jupettes ; je mâche. On parle d'Hitler; je broute. On zappe de
chaînes; je bois du coca; on lance des rumeurs à Djibouti; je rumine.
On débat sur le développement économique; je chique et j'avale.
Apres 3 heures de Khat, un peu sonné par cette douce amphétamine, je
remercie mes hôtes. La rue est calme, la chaleur est encore pesante,
l'activité buccale continue toujours entre ces quatre murs.

Le nuit tombe, je sors du côté de la rue d'Ethiopie, haut lieu en
perdition ou se mêlent soldats, Ethiopiennes, Djiboutiens et autres
naufragés de la Mer Rouge. Je rentre dans le plus célèbre des bars, la
Galette Bretonne, descends les escaliers... Ça se passe au sous-sol
de l'autre côté de ce mur. Devant moi, une troupe de bidasse,
légèrement amochée, débarque: ils vont fêter leur perm'. Ils
trébuchent en descendant: Ils fêteront leur arrêt maladie la semaine
prochaine...

Derrière le bar, une rangée de bouteilles où sont posés délicatement
les képis blancs de la Légion Etrangère. Devant le bar une rangée de
fille en uniforme où sont posés les regards des miloufs en short et
chemisette beiges, chaussettes montantes.

Ça se parfume, ça pousse, ça boit…

Les piliers sont présents, verre à la main, prêts à trinquer. Les
premières lignes touchent les épaules de leur vis-à-vis. Sur leurs
appuis, genoux fléchis et les bras se faufilant, les flankers
cherchent à saisir les hanches. On est proche du hors-jeu....
Qu'attendons nous pour siffler l'introduction?

Ça chante, ça crie, ça rie!

Assis sur une chaise, le Général d'Etat-major observe le respect des
règles et des accords bilatéraux franco-djiboutiens. Elancé au visage
aiguisé, chemisette vichy bleu ciel rentrée dans un pantalon beige
clair et boutonée jusqu'au col, il n'hésitera à écrire son rapport
demain malgré sa tenue voire sa retenue peu réglementaire.
Ça pousse, ça siffle, ça sue.

Les odeurs du vestiaire rentrent avant l'heure dans cette joyeuse
mêlée. L'ambiance devient incontrôlable, torride, étouffante !
Le climatiseur affiche 16°C…

Le lendemain soir, assis sur ma terrasse, appréciant ma bière fraîche
après une journée brûlante et humide, j'écoute le chant du muezzin du
minaret voisin appelant à la prière. Je contemple mon bougainvillée en
fleur et mon petit palmier en jaune… par manque d'eau.
Je me laisse assoupir par ce petit vent marin.

De l'autre côté du mur où sont plantés au sommet des tessons de
bouteilles et des fils barbelés, j'entends les enfants jouer au bord
de la mer. Ils viennent certainement de Somalie fuyant la sécheresse,
et n'ont ici, pour eau, que celle de la mer et de la bouche d'égout.
Ils s'amusent dans cette vase que même les corbeaux ne souhaitent pas
poser leurs pattes. Ils vivent ici sous un morceau de tissu tendu
entre deux morceaux de bois. Ils récupèrent dans les poubelles des
villas et ambassades avoisinantes que la mer ne veut plus prendre
lorsqu'elle se retire.

En face, une belle maison bleue protégée par des barbelés, surplombe
la mer au Nord, et observe à l’Est ses Landcruisers rutilantes, à
l’Ouest cette farandole d'enfants et de conserves: ce sont les bureaux
du PAM : Le Programme Alimentaire Mondiale.

Bonne semaine et à très bientôt,

Guillaume