23.8.11

La machine à habiter

Terme utilisé par Michel Houellebecq dans la Carte et le territoire. Lecture en cours, agréable mais honnêtement sans plus. A trop cracher sa bile ce brave Michel se forge un destin de Ben Arfa de la littérature : Un génie prétentieux dévoré par son narcissisme, inévitablement improductif.

Mais l’expression me travaille. Dans nos familles, nos consciences et notre droit la maison / habitat est le lieu personnel par excellence, hors du temps et de l’espace (juridique), adapté aux goûts et aux vies de chacun dans sa disposition, son aménagement, sa couleur, son odeur. MA caverne, pas celle de mon voisin. Et pourtant…

Un ami russe me racontait qu’il était fréquent de voir débarquer ivre mort son « symétrique » de la tour d’en face. Les « cités » soviétiques étaient construites à la chaine, serrure inclus. De nuit, après quelques litres de vodka, rien ne ressemble plus à la tour A que la tour B, surtout quand ces 2 tours sont encadrées par les tours C, D, E, F, G…

A une époque j’avais des étagères ikea que je retrouvais chez tous les étudiants. On écoutait le même CD en discutant des mérites comparés de nos chaînes hifi respectives, avec une bière standardisé dans la main, une clope standardisé dans l’autre.

La machine à habiter donc… Un ascenseur, une porte, quatre murs, des prises électriques un balcon. A chaque espace sa fonction, fonction du besoin animal du moment. Boire, manger, dormir, baiser, chier, respirer. Des règles à respecter pour ne pas emmerder les voisins, d’autres règles pour les « parties communes » puis encore d’autres règles sur la « voie publique », nouvelles règles dans les « transports en commun / collectif / publics », pour enfin appliquer les règles de bienséances de mon lieu de torture, ce petit univers carcéral quotidien que je me suis auto-imposer à force d’y rester cloitré 8h par jour depuis ma plus tendre enfance…

Tu m’étonne que les aborigènes, inuit, pygmées etc deviennent tarés quand on les « intègre ».

Pour produire, et reproduire, entretenir la machine dévorante, la fourmilière globale.

La machine à habiter est un écho lointain des machineries broyeuses d’humain de Germinal, à la nostalgie glaçante d’Alan Warner, à la fin nécessaire de Melancholia, aux inévitables besoins du combat ordinaire et à l’indispensable éloge de la fuite.

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