24.8.11

Le dernier paradis de Manolo - Alan Warner

Le titre est un peu nul mais le bouquin déchire. Ça se passe en Espagne, dans une station balnéaire pas clairement identifiée. Proche de l’Afrique, de montagnes, et d’un port à container. Je penche pour Algesiras mais finalement peu importe.

Manolo est directeur d’une agence de design, notable du bled qu’il a vu muter comme jamais en 40 ans. Son père habitait un village de montagne proche et possédait un terrain proche du port. Le port a disparu, le terrain est devenu un hôtel, le premier du coin, puis le plus ancien. Les immeubles ont poussés, partout, sans fin. Les autochtones sont devenus des marginaux, noyés dans les flots saisonniers. La communauté s’est disloquée sous les forces de l’argent et du béton. L’Euro a remplacé les Pesets, et de fil en aiguille les gens du bled se sont retrouvé esclaves des règles de la démocratie.

Sous les lumières tremblantes du bord de mer Manolo nourrit une colonie de chats réfugié dans l’épave d’un chalutier. Manolo vit seul, et passe en revue sa vie sexuallo-sentimentale lorsqu’il apprend qu’il est contaminé…

Alan Warner (auteur) est Ecossais, originaire d’Oban, et a passé une bonne partie de sa vie en Espagne. Ce grand écart culturel est un marqueur de ses livres. Morvern Callar (adapté au cinéma avec Samantha Morton, la femme de Iain Curtis dans Control) est une fille originaire du « Port », en Ecosse, qui part / fuit en Espagne après quelques aventures. Une scène marginale raconte la mort de sa grand-mère pendant qu’elle « away raving ». Sa pote était là. Morvern lui demande si elle a dit quelque chose avant de mourir : « Oui, mais en Gaëlique, et je ne parle pas Gaëlique ». Cinq lignes comme un coup de couteau. Des racines qu’on arrache, une culture qu’on assassine..

Ce mec est un peintre. Un maître de clair-obscur et de l’impression. Ses descriptions voyagent dans le temps, l’espace et les hommes. Il part d’une colline, décale sur un marcheur et finis en dégout de l’artificialisation d’un monde où langues, fringues, culture et bouffe tendent vers une fascisante uniformisation.

Bientôt il ne restera rien. A noël on mangera des pêches hydroponiques acheté dans un hypermarché reproductible de Singapour à Tamanrasset.

Je hais les aéroports, ces bétaillère où l’on badge pour aller pisser, on déguste un café standardisé hors de prix sous une architecture « évocatrice ». Je méprise les chaînes hôtelières, les franchises de pâtes, les O’sullivan et H&M. Je conchie Carrefour qui passe à l’eau de javel 20 tonnes de bouffe par jour pour que les manants ne puisse pas les récupérer. J’ai envie de gerber quand Starbuck’s et Club med gym remplacent un magasin de musique ou un cinoche.

Je devrais me casser mais je refuse. Non. Ce monde est à nous. Mes ancêtres l’ont battis et sont mort pour le transmettre. Je refuse d’être un palestinien, un amérindien ou un chninkel. Je veux entendre le parc gueuler à nouveau. Je veux voir la vie jaillir à tous les coins de rue, dans un arbre improbable et sur la gueule d’un enfant boueux. Je veux que mes mômes se piquent les doigts en cueillant des mûres et respire la merveilleuse odeur d’une confiture faite maison et d’un croissant chaud. Des mûres j’en ai ramassées avant-hier à Ivry, entre le RER et un campement de Roms, à 2 km de Paris. L’espoir n’est pas mort…


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